Date de publication : 03/12/1996
Internet : que font les banques françaises ?
Nous sommes les meilleurs. Le nombre de clients des
grandes banques à réseau françaises utilisant le Minitel se compte souvent en centaines
de milliers. Ils peuvent consulter leurs comptes, procéder à des virements, régler des
factures, passer des ordres de Bourse, suivre l'évolution des cours, etc. Et tout cela en
couleur... Il ne faut pas non plus oublier que le Minitel est très bien installé dans
les foyers (environ 14 millions) et qu'il génère des milliards de chiffre d'affaires (8
à 10 milliards pour la VPC en 1996). Une situation que le monde entier nous envie. On est
donc en droit de se demander en quoi Internet peut représenter un intérêt pour nos
banques. Ou pour leurs clients.
De fait, le nombre de micro-ordinateurs est assez faible en France. Ne parlons pas des
modems et des accès au réseau (environ 400.000 connectés). Ajoutons à cela que la
sécurité n'est pas assurée, que les solutions de paiement ne sont pas satisfaisantes.
Pour finir, les banques ont d'autres chats à fouetter avec le passage à l'euro et
l'arrivée de l'an 2000.
L'outil de production d'une grande banque à réseau est princi-palement constitué (outre
les salariés) de millions de lignes de programmes informatiques. Ceux-ci datent
généralement d'une dizaine d'années, voire plus. La petite révolution qui consisterait
à tirer parti des technologies issues du monde Internet représenterait donc un
véritable défi. Les modifications nécessaires seraient bien trop coûteuses. De plus,
il est souvent difficile pour un directeur informatique de demander ce type
d'investissement au moment où il doit préparer l'informatique de la banque au passage à
l'euro. D'autres n'ont pas une connaissance suffisante de ces nouvelles technologies pour
envisager un basculement total (intranet et ouverture sur le réseau).
Oublions donc Internet pour l'instant et attendons que le marché soit là. Cette solution
semble retenue par la majorité des banques françaises, petites ou grandes. Certaines ont
toutefois sauté le pas et offrent des solutions de banque à distance au travers du
réseau des réseaux, comme le Crédit Mutuel.
D'autres ont simplement lié leur << infrastructure Minitel >> existante à
Internet, créant ainsi de merveilleux trous de sécurité.
Le nouveau monde et l'ancien...
Tandis que nous ressassons des arguments liés à
la sécurité, au nombre d'abonnés ou aux solutions de paiements, les Etats-Unis trouvent
des réponses et prennent de l'avance. Un certain nombre d'établissements financiers
outre-Atlantique ont en effet compris que, si le World Wide Web (WWW) n'est pas encore le
meilleur moyen pour faire progresser un chiffre d'affaires, il est sans aucun doute l'un
des meilleurs outils marketing de ces dernières années. L'Association française de la
télématique multimédia (Aftel) note dans son dernier rapport, << Internet : les
enjeux pour la France >>, que le faible volume en matière de commerce
électronique, et donc le faible niveau de risques, devrait inciter les acteurs à
soutenir son développement. << C'est ce que font des opérateurs tels que First
Virtual ou des offreurs d'accès tels qu'AT&T : pour
inciter les clients de son offre Internet à consommer en ligne à l'aide de sa carte de
crédit Universal Card (comarquée Mastercard),
AT&T s'engage à les rembourser intégralement en cas d'utilisation frauduleuse de
leur numéro de carte. Bien évidemment, First Virtual comme AT&T disposent d'outils
statistiques qui leur permettent de repérer très rapidement les clients ou les
commerçants qui abuseraient des possibilités qui leur sont offertes >>, indiquent
les auteurs du rapport de l'Aftel.
Bien entendu, les moyens ne sont pas les mêmes outre-Atlantique. Ainsi, la Chase
Manhattan dépensera cette année 1,8 milliard de dollars en technologies de
l'information. Le cabinet de consultants Booz-Allen Hamilton estime qu'un site bancaire
Internet avancé représente un investissement de 1 à 2 millions de dollars. Cependant,
les coûts de fonctionnement sont entre un quart et un tiers moindres. Au-delà des
banques à réseau, certains établissements américains très spécialisés n'hésitent
pas à ouvrir un site sur le WWW. Comme cette banque qui propose - en ligne - des prêts
pour financer des avions...
On comprend que certains établissements financiers français (pour ne parler que des
banques) ne se lancent pas dans la réalisation d'un serveur de 2 millions de dollars.
Toutefois, certaines actions ne sont pas inenvisageables. Comme, par exemple, la mise en
commun de moyens pour créer un serveur référençant les banques françaises. Même
celles qui n'ont pas de présence sur Internet. Pour l'instant, c'est une société de
conseil, Qualisteam, qui joue (très bien
d'ailleurs) ce rôle. On peut regretter que l'AFB n'ait
pas pu convaincre l'ensemble de ses membres de mettre en place un tel service.
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