http://www.lepoint.com/france/document.html?did=129772
Secret défense - Espionnage
L'homme qui en savait trop
Un jeune journaliste est mis en examen pour atteinte à la sûreté de l'Etat, dans
une curieuse affaire concernant le réseau de communication interministériel
Rimbaud.
Christophe Deloire
Etrange friture sur les lignes du téléphone interministériel. Le 13 mars, le
juge antiterroriste Gilbert Thiel a mis en examen un journaliste de 27 ans,
Jean-Paul Ney, pour « vol et atteinte au secret de la défense nationale » dans
une curieuse affaire concernant le réseau Rimbaud (Réseau interministériel de
base uniformément durci), qui permet à 4 000 abonnés au sein de l'Etat de se
joindre en toute discrétion.
Auteur du livre « Terreurs virtuelles » aux éditions
Carnot, Jean-Paul Ney revendique d'être spécialiste des services de
renseignement. Le jeune reporter indépendant se targue auprès de ses proches de
liens avec la National Security Agency (NSA) des Etats-Unis et le Mossad
israélien. Navigateur assidu sur le Web, il a eu maille à partir avec d'autres
surfeurs et a même été mis en examen en janvier pour « menaces de mort réitérées
» sur le Net par une magistrate de Nanterre.
Ce jeune homme se retrouve au centre
d'une délicate affaire. La Direction de la surveillance du territoire (DST)
enquête depuis juin 2002 sur la disparition d'une carte d'accès au Rimbaud -
format carte de crédit -, dérobée à Dominique Perreau, alors directeur au
ministère des Affaires étrangères. A l'époque du délit, Jean-Paul Ney
travaillait pour une société de sécurité et officiait comme vigile au Quai
d'Orsay.
A la fin du printemps 2002, le journaliste contacte un ancien membre de
la Direction centrale de la sécurité et des systèmes d'information (DCSSI), une
direction dépendant du Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN). Ney,
qui a souvent fait des appels du pied auprès des services secrets français, qui
le fascinent, avise son interlocuteur que « le Rimbaud a été cassé ». Pour
prouver qu'il ne plaisante pas, Ney montre même la carte dérobée. Les enquêteurs
la retrouveront d'ailleurs en sa possession.
Le « contact » de Ney est en fait
Hubert Marty-Vrayance, commissaire principal issu de la Direction centrale des
Renseignements généraux. Ce fonctionnaire bien noté a été mis à la porte de la
DCSSI en avril 2002, car sa direction avait repéré ses initiales dans les
remerciements du livre de Thierry Meyssan, « L'effroyable imposture ». Ce
best-seller défendait la thèse abracadabrante selon laquelle aucun avion ne
s'était écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001. A titre de témoins, dans
l'affaire du Rimbaud, Marty-Vrayance a été entendu par le juge Thiel et Meyssan
l'a été par la DST. Le contre-espionnage a d'ailleurs profité de l'occasion pour
interroger Meyssan sur ses contacts dans les pays arabes, où son ouvrage se vend
comme des petits pains. Un ancien commissaire de la DST spécialisé dans
l'informatique a lui aussi été entendu par le magistrat en raison de ses liens
avec le journaliste. Contacté, Jean-Paul Ney n'a pas souhaité réagir aux
informations du Point et son avocat, en guise de réponse, a juste averti qu'il
enverrait un droit de réponse. Au SGDN, gestionnaire du réseau Rimbaud, on
assure que « la carte en question a été aussitôt désactivée, que le secret des
conversations interministérielles n'a pas été mis en péril » et que, par
ailleurs, la puce ne contient pas de clé de chiffrement qu'un service secret
étranger pourrait décrypter.
Le dossier est d'autant plus sensible qu'entre le 16
et le 23 avril 2002 des documents classés « confidentiel défense » concernant le
Rimbaud ont disparu du bureau d'un magistrat de la Cour des comptes effectuant
une mission de contrôle au SGDN. Il s'agit d'un exemplaire du rapport Hirel, «
L'évolution du réseau interministériel », d'une note datée du 2 avril 2002 et de
documents répertoriant les crédits affectés au conseil interministériel du
renseignement de 1993 à 2001. Quelques jours plus tard, la DST repérait qu'un
site Internet basé à Auckland, en Nouvelle-Zélande, faisait état de failles du
système Ranch, qui fait partie du Rimbaud. Les auteurs semblaient s'être
inspirés de la page 9 du rapport Hirel
© le point 02/05/03
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