[Kitetoa, les pizzaïolos du Ouèb

Des entreprises maîtres du monde?

Mauvaises comparaisons

Terrible constat que celui du rapport sur les investissements internationaux de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) cité en "Une" du Monde daté du mercredi 29 septembre 1999. Une centaine d'entreprises dont les premières sont General Electric, Ford et Shell seraient les moteurs du "système de production mondial intégré" (c'est quoi ce machin?). Ces cent groupes, nous apprend le Monde qui a lu ce rapport, détenaient en 1998 quelque 1800 milliards de dollars d'actifs à l'étranger et employaient plus de 6 millions de personnes. Leur chiffre d'affaires atteignait 2100 milliards de dollars. Et c'est là que la mauvaise comparaison du Monde arrive...

Ce chiffre est comparé au PIB de la France (1 fois et demi) ou du Mexique (6 fois le PIB). Que vaut cette comparaison? Rien. Les commentateurs sont prompts à parler de mondialisation, de dérégulation sauvage, de loi du marché, toutes sortes de choses terribles et floues. Ces entreprises qui mènent le monde sont aussi celles qui poussent des projets comme l'AMI, qui lancent des lobbies à l'assaut de Bruxelles, Washington, ou plus précisément l'OMC. Reste qu'elles sont, même si elles en profitent la plupart du temps, elles aussi les otages des marché dérégulé qu'elles contribuent à créer. Dès lors, elles sont à la merci des marchés financiers. Et voici pourquoi la comparaison d'un chiffre d'affaires avec un PIB est étrange. Imaginez à quoi ressemble le chifrre d'affaires de la Shell lorsque le baril est à 10 dollars et lorsqu'il est à 20 ou 25 dollars... Imaginez que le titre Ford s'écroule en bourse et que des lois antipollution soient passées imposant une modification des moteurs de voitures. Le chiffre d'affaires d'une entreprise est un bien mauvais indicateur tant il est sujet à des variations importantes en fonction de milliers de facteurs hétérogènes. Peut-être conviendrait-il mieux de parler de création de valeur ajoutée si l'on souhaite les comparer avec des PIB? Notons enfin que la mise en avant des 6 millions d'emplois peut également se lire de la manière suivante: les 200 premières firmes transnationales ne fournissent que 0,75% des emplois sur la planète alors qu'elles représentent 25% de l'activité économique (Herald Tribune - avril 1995 cité dans le Manuel de résistance au clonage de l'AMI à l'OMC). Méfiance donc...

Prise de conscience?

Le rapport de la CNUCED souligne que l'emploi de main d'oeuvre dans les pays en développement par les grands groupes n'est pas forcément créateur de croissance durable. A croire que certains économistes commencent à prendre conscience du fait que la dérégulation à tout va n'a pas que de bons côtés? Les apprentis sorciers contemplent leur oeuvre (nous y reviendrons dans un futur papier). Ce mouvement s'étale et on trouve aussi, paradoxalement, des gens au F.M.I. ou à la Banque Mondiale pour crier des choses incongrues comme: il faut "faire entendre la voix des pauvres". C'est du moins ce qu'a lancé à Washington le président de la Banque Mondiale, James Wolfensohn. Il n'a pas non plus hésité appeler à "éradiquer la pauvreté et humaniser l'économie". De deux choses l'une, soit le président de la BM a viré sa cuti, soit il s'achète une conduite. Le F.M.I. et la Banque Mondiale se sont en effet plutôt illustrés jusqu'ici par leur propension à militer pour une dérégulation aveugle et pour imposer des plan de redressement drastiques de l'économie des pays auxquels ils prêtent, sans tenir compte des réalités économiques de ces pays...

Schizophrène, James Wolfensohn se félicite de la vitesse "surprenante et quasiment sans précédent" avec laquelle les perspectives économiques mondiales se sont améliorées, comme le rapporte Le Monde, mais il déplore aussi "son coût humain immense". Non?

Rappelons que sur 6 milliards d'êtres qui marchent debout, 840 millions ont faim. En revanche, le cinquième le plus riche se porte bien et consomme 86% des biens et services, 45% de la viande et du poisson, utilise 58% de toute l'énergie produite. Et pendant que les autres crèvent la faim, Européens et Américains dépensent chaque année 17 milliards de dollars pour nourrir leurs animaux domestiques. Ne parlons pas des dépenses publiques liées au nettoyage des crottes de chiens, aux morsures des mêmes animaux, etc. Pour information, selon l'ONU, 17 milliards, c'est, à quatre milliards près, le montant nécessaire pour assurer à chacun santé de base et nutrition adéquate...

L'ONU, en pleine vague économico-humanitaire souligne que sur 6 milliards d'hommes, quelque 2,6 manquent de moyens d'assainissement de base, 1,3 milliard n'ont pas accès à l'eau salubre, 1,1 milliard n'ont pas de logement adéquat. Près de 3 milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollars par jour...

Comme quoi rien n'est innocent, les services de l'ONU nous rappellent que "la production d'un hamburger d'un peu plus de 100 grammes exige près de 500 litres d'eau, environ 600 grammes de céréales fourragères et une quantité d'énergie égale à celle produite par deux décilitres d'essence, cause la perte d'environ 600 grammes de sol arable et produit un volume d'émissions de gaz à effet de serre égal à celui d'une voiture américaine de modèle courant sur une distance d'une dizaine de kilomètres. Les Américains consomment environ 118 kilos de viande par an en moyenne, principalement sous forme de hamburgers; la moyenne au Bangladesh est de trois kilos". Toujours faim et envie d'un gros burger??

Notre impact sur la terre est assez stupéfiant. Si l'on se reporte à nouveau aux données de l'ONU, un Américain influe 30 à 50 fois plus sur l'environnement qu'un habitant d'un pays en développement tel que l'Inde. Nous perdons 27000 espèces animales ou végétales par an, un taux d'extinction jamais atteint au cours des 65 millions d'années écoulées jusqu'ici.

Mais la main invisible veille... N'est-ce pas?

:((

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