[Kitetoa, les pizzaïolos du Ouèb

Accenture: petits avec de grandes oreilles

Vous avez jeté un oeil sur la dernière pub Accenture? Celle avec le petits lapins sur la colline. Si vous ne l’avez pas vue, allez jeter un oeil (par exemple) en page 31 de l’édition de 01 Informatique datée du 9 mars 2001. Sublime. Splendide. Génialissime.

Vous allez dire qu’on s’acharne... Mais que voulez-vous, on a même plus besoin d’aller sur leurs serveurs pour être impressionés par leurs sens de l’à-propos et de la phrase qui tue.

Vous y trouverez une coupure de journal (zont pas de ciseaux, chez Accenture, y sont trop fauchés), provenant apparemment des pages “saumon” d’un supplément économique quelconque. La couleur de la coupure est importante. Des pages saumon, qui singent celles d’une fameux quotidien anglo-saxon, ça fait tout de suite sens. Ça fleure bon le contenu avec des vrais morceaux de scoop dedans, du jus de tête de journaleux élevé en plein air à Science-Po(*), de la bonne info bien de chez nous, pas recyclée.

Le titre est explicite: “un milliard de connexions Internet via le téléphone en 2003”. Petite analyse. D’abord, le miliard. Un milliard, ça pèse forcément lourd. Et puis il faut faire simple pour frapper les esprits. Les gouvernements et les Etats ne comptent qu’à coup de milliards. En dessous, ça fait pingre.

Ensuite “de connexions Internet via le téléphone”. Heu... D’accord, c’est un titre, mais tout de même. Il aurait mérité d’être plus clair. Connexions simultanées, nombre d’abonnés, nombre de terminaux? Mystère.

Enfin, “en 2003”. Ici, on reconnaît sans peine la “patte” des Gartner, IDC, Forrester et autres cabinets “d’experts”, qui vous pondent des présentations PauvrePoint et des analyses de marché comme d’autres respirent. A ce sujet, il est assez désolant que ceux qui sont chargés de conseiller les entreprises sur leurs “stratégies” à venir soient les même qui, six mois plus tard, en font le bilan et les commentent. Genre de boulot assez ambigu où le maître d’ouvrage est aussi celui qui fait office de contrôle qualité. Enfin, passons.

Commentons maintenant le chapeau: “l’Internet mobile va dépasser l’accès filaire dans 2 ans”. Il est souvent d’usage de garder le meilleur pour la fin, on est pas déçu. Inutile d’insister sur le WAP, c’est pas bien de tirer sur le corbillard du bide marketing de l’année 2000. GPRS. Aaah ! Vaste sujet. On attend beaucoup de ce truc qui doit permettre de passer à la commutation par paquets. Annoncé partout, comme le Yeti, on n’en voit finalement que les traces dans la neige. Soyons tout de même honnête, il faut leur laisser du temps, à tous ces opérateurs, éditeurs, constructeurs, pour nous sortir des terminaux potables. N’oublions pas que le GSM a aussi connu, à son heure, du retard à l’allumage.

L’UMTS ? Est-il là encore nécessaire de revenir sur cette imposture? Sinon pour saluer le tour de force des constructeurs et autres promoteurs de cette norme, qui ont réussi sur ce coup-là à refaire les plus grands opérateurs télécoms et les gouvernement qui les soutiennent plus ou moins directement. Bravo les mecs, bien joué. C’est pas tout les jours qu’on se paye un telco.

Il faut aussi insister sur cette imposture linguistique qui consiste à associer “Internet” et “Mobile”. Pas demain la veille que je vais lire “Hell’s R00ts” sur mon terminal mobile. Quoique, ça serait pas mal pour évangéliser les foules.

Puis la baise-line (ou baseline, je ne sais plus): “{De plus en plus intéressant}”. Notez l’emploi des accolades. Ça fait très netéconomie, mais pas trop R3b3lz. Quoiqu’ils auraient pu écrire {D3 pluz 3n pluz 1nt3r3554nt}. Mais ça aurait sûrement véhiculé un imaginaire anxyogène peut propice à l’établissement d’un relationnel proximitif avec la cible.

Vient enfin l’image. Tout plein de petits lapins bien sagement assis sur la pelouse.  Bien sagement, parcequ’aucun d’entre eux ne se livre à des activités que la morale et le bon goût m’interdisent de préciser plus avant. Si on regarde bien, on voit le Photoshopage de plusieurs scènes, répliquées à droite à gauche. Mais après tout, c’est secondaire.

On ne va pas épiloguer sur le capital sympathie surimpressionné par ce sympathique rongeur, et sur son signifiant dans la mémoire collective. Mon pote Maurice, le taulier (pardon, Chief Executive Officer, Global Manager and Chief Evangelist) du Café des Sports m’approuvera là dessus. D’autant que son civet... Mais on s’égare.

Pour résumer, cette pub Accenture arrive avec juste... un an de retard. Il était encore possible de faire miroiter monts et merveilles il y a encore 12 mois, alors que nous étion en plein “boom” Nazedaquien, et que le WAP était encore dans les cartons des opérateurs (avant d’en faire un au bide-office). Bref, ça la fout mal...

Kitetoa

(*) naïvement, quand j’étais tout môme, je pensais que Science-Po voulait dire Science Poétique. J’imaginais de vastes campus ensoleillés, façon Grèce antique, avec de très sérieux docteurs en poésie drapés dans des toges immaculées. Dommage, ces braves gens auraient au moins appris des choses finalement très utiles, comme savoir parler aux femmes (ou aux hommes), ou faire sauter une prune avec élégance.

 

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