Petite ombre: chronique de la connerie ordinaire |
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Samedi, 21h50. Je
mapprête à aller voir le " fabuleux destin dAmélie
Poulain " au cinéma, Place de Clichy. La nuit est tombée, la pluie éclabousse
les passants, les néons éclaboussent le trottoirs, les gens déambulent et les taxis
sengueulent. Au milieu de lavenue de Clichy, sur le terre-plein qui séparent
les trois voies, une petite ombre tombe. Une ombre un peu plus grande la relève. Elle
retombe, désarticulée. De nouveau, son ami la relève. Les passants, indécis, ne savent
que faire. Alors ils séloignent. Comme dans un cauchemar, la petite ombre continue
de tomber, petit tas désarticulé saccrochant au pare-choc dune voiture en
stationnement. Je suis de lautre côté de lavenue. Une éternité se passe
avant que le feu ne passe au rouge, et quenfin, je puisse traverser. Lorsque je
parviens à son niveau, la petite ombre est de nouveau par terre. Quel âge
à-t-elle ? Seize, dix-sept, dix-huit ans ? Son visage est très blanc, un
piercing lui traverse la lèvre inférieur. Des cheveux noirs, des traits réguliers. Un
Jeans trop large, un petit sac à dos devenu trop lourd. Son ami nest pas bien
vieux, il ne sait pas trop quoi faire. " Je suis désolée ",
cest tout ce quelle parvient à lui dire. Mon amie et moi nous arrêtons à sa
hauteur. Elle est maintenant assise sur le capot de la voiture blanche. Le temps de nous
demander ce que lon va bien pouvoir faire pour elle, un instant dinattention,
et là voilà de nouveau par terre. Une jeune fille sest, elle aussi, arrêtée.
Elle ramasse le parapluie de la petit ombre. Place de Clichy. Les néons verts dune
pharmacie ouverte la nuit. Je ramasse la petite ombre, traverse la chaussée en espérant
que les automobilistes comprendront quil y a des choses plus importantes que les
feux verts, dans la vie. Ils comprennent. La petite ombre demande où lon va. Je lui
parle de pharmacie. Elle se raidit. Veut marcher toute seule. Alors on parle, un peu. Je
lui raconte que ça marrive aussi de ne pas bien me tenir sur mes jambes, quand je
suis fatigué. Son ami explique quelle a peut-être un peu bu. Fatigue, chute de
tension, produit ? Quest-ce que jen sais, moi ? Elle dit
quelle voulait voir Amélie Poulain. Et accepte dentrer dans la pharmacie,
pleine à craquer. Se laisse asseoir sur un tabouret miraculeusement libre. Je passe la
barrière du vigile qui regarde la petite ombre sans intérêt, comme on regarde un
western à la télé. Je coupe la file, demande du soutien à la pharmacienne, sérieuse,
en blouse blanche. Je lui explique lhistoire de la petite ombre. " Oui
mais moi, je ne peux rien faire, pas dacte médicaux sans un médecin, les pompiers
ou la police ". La petite ombre na pas besoin dun médecin,
dun pompier ou dun CRS. Elle a besoin dun sucre avec un peu
dalcool de menthe, pour commencer. De palabre en palabre, je narriverai à
rien. Lorsque je reviens, la petite ombre a repris un peu de poil de la bête. Elle se
tient toute seule. Remercie. Promet quelle va manger un morceau tout de suite. Son
ami promet quil ne la laissera pas tomber, quil la raccompagnera avant de
rentrer chez lui. Un peu ennuyés, ils ne veulent pas venir manger chez nous. Ils
remercient encore. Ils séloignent. Elle tient debout. Je crois quils
tiendront leur promesse. Quant à ceux qui ne se sont pas arrêtés, ceux qui auraient
filmé sils avaient eu un camescope, ceux qui se croient admis à regarder la
réalité comme une " reality fiction ", quant à la pharmacienne qui veut
appeler les flics et refuse de se séparer dun sucre arrosé dalcool de
menthe
Je vous dédie mes haut-le-cur.
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